Les Plasticiens
sont des peintres qui se sont réunis quand ils ont constaté
que la similitude d'apparence de leurs peintures relevait
d'une concordance dans leur conduite de peintre, dans
leur démarche picturale et dans leurs attitudes
envers la peinture, per se et dans la société humaine.
Comme le nom
qu'ils ont choisi pour leur groupe l'indique, les Plasticiens
s'attachent avant tout, dans leur travail, aux faits plastiques
: ton, texture, couleurs, formes, lignes, unité finale
qu'est le tableau, et aux rapports entre ces éléments.
Éléments assumés comme fins.
Cette conception
de la peinture se passe de justification, ou plutôt, elle
la trouve dans ce fait en apparence banal : les Plasticiens
font de la peinture parce qu'ils aiment ce qui est particulier
à la peinture. C'est, en outre, une conception qui correspond
à la liberté isolée du peintre dans le monde contemporain.
En étant arrivés
à renoncer à peu près entièrement à toute attitude romantique
de la peinture comme moyen d'expression conscient, les
Plasticiens peuvent retrouver cette naïveté artisanale
que caractérise l'absence de tout orgueil généralement
associé avec une prise de conscience partielle de soi.
Les peintures
des Plasticiens ne sont pas les visages de choix, mais
ceux d'ultimes nécessités, d'inévitables obsessions, de
réductions transcendantales. Le niveau de connaissance
auquel les peintures font appel, dans leur génèse
et dans leur unité est, en définitive, celui de l'intuition
et non pas de la science. Si leur nécessité apparaît plus
logique qu'intuitive, c'est que la simplification des
moyens conduit à un résultat épuré conventionnellement
admis comme excluant la personnalité.
La portée du
travail des Plasticiens est dans l'épurement incessant
des éléments plastiques et de leur ordre; leur destin
est typiquement la révélation de formes parfaites dans
un ordre parfait.
Leur destin
et non pas leur but, étant donné qu'ils travaillent dans
l'amour du moment présent.
Les Plasticiens
n'admettent pas la postulation a priori de ce qui est
élémentaire et de ce qui est parfait. Pour eux, ce ne
sont pas là des données, mais des acquisitions que seul
le travail individuel dans la plus entière liberté peut
permettre de faire. Leurs découvertes peuvent coïncider,
mais ils n'en croient pas pour autant avoir touché une
vérité objective.
Les Plasticiens
ne se préoccupent en rien, du moins consciemment, des
significations possibles de leurs peintures. Mais comme
en ne cherchant pas à lui donner une valeur littérale,
ils n'excluent aucune des significations inconscientes
possibles, elle devient de ce chef, le reflet de leur
propre humanité.
En somme, les
Plasticiens obéissent à la nature, et c'est pourquoi leurs
peintures tendent vers une complète autonomie en tant
qu'objets.
Les Plasticiens
ne prétendent pas apporter des apparences tout à fait
nouvelles, ni immuables. Malraux a écrit que les tableaux
naissent des tableaux. L'intuition même la plus pure s'exprime
toujours avec un certain degré par le truchement des souvenirs.
Le travail des
Plasticiens s'inscrit également dans l'histoire de la
peinture au Canada et plus spécifiquement à Montréal.
La peinture non-figurative a acquis à Montréal ses droits
de noblesse depuis les premières expositions automatistes.
Elle a pu naître ailleurs avant, mais elle est véritablement
née ici, alors. Dans la solution qu'apportent les Plasticiens
au problème posé par leur désir de peindre, la
révolution amorcée par Borduas apparaît comme germinale.
La Renaissance
avait libéré les arts de la servitude à un rituel spirituel.
Les divers grands mouvements du XIXe siècle et finalement
le Dadaïsme, le Surréalisme et l'Automatisme les ont libérés
de la servitude à un rituel matérialiste. Mondrian a permis
de réduire l'ultime aliénation de l'oeuvre peinte, l'extériorisation
de la concertation sur soi-même.
Le véritable
rôle de l'artiste est d'engendrer la soif de la vérité.
Le sens des oeuvres est toujours faussé par leur publication.
Aussi la mise-au-monde doit-elle le plus possible coïncider
avec la création.
Il faut travailler
à engendrer un climat d'inquiétude vis-à-vis des
arts de la part du public, et non pas simplement une familiarité
qui tourne facilement au mépris.
Il ne reste
de spirituel que l'angoisse.
Il n'y a pas
en 1955 d'art sacré ; l'art est sacré. La création, qui
est aussi intuition, est l'unique forme de la vérité.
Est respectable
dans son intégrité tout art vrai.
Est respectable
dans son intégrité toute oeuvre dont j'ai l'intuition
qu'elle est vraie pour son créateur.
C'est là ce
qu'on appelle l'amour du prochain, l'existence de l'autre.
Une oeuvre peut
n'être pas la création de celui qui l'exécute, mais de
celui qui la regarde ou d'une collectivité, plus simplement.
APHORISMES PLASTICIENS
Ce mode d'existence
d'une oeuvre aussi la rend respectable.
Une oeuvre peut
être le moment de vérité d'un peuple, d'une civilisation.
Mais le goût,
la propension, l'acceptation ne peuvent pas être critères
de vérité : seule l'intuition intuitionnée l'est.
Les Plasticiens
Louis Belzile, Fernand Toupin, Jean-Paul Jerôme, Jauran
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