Manifeste pour

libérer l'Art
de la culture mercantile


Par Alain Rességuier - Versoix, juillet 2001

Attaquons le problème au départ ! N’écoutons plus ces gens qui parlent de l'Art ! La Culture, c'est vrai, quelle imposture, de leurs lèvres ne sortent que des vomissures qui façonnent les instruments de torture, emprisonnant l'artiste, dans ce cauchemar.

De l'ignorance, ils brandissent l'étendard, telle l’arrogance hissée sur leur inculte rempart. Ils crient leurs références comme une dictature, gonflant le torse, éclatant leur encolure. « Dans ce cadre, il faut bien cette peinture ! Cette envolée me rappelle Béjart, ou Mozart ?"

"C'est beau, comme un plat d'épinards, mais s'accordera t-il à mon billard ? " Un banquier demande où est la signature ? " Quel dommage d'avoir cette grosse armature ? Pardon, je n'avais pas vu, c'était la sculpture !" Rien ne doit être laissé au hasard.

La vieille dame adore le style "clochard", dit-elle au jeune peintre d 'un ton égrillard, car malgré son manteau de fourrure, fait disparaître des petits fours dans sa doublure et de l'autre main, lui caresse la chevelure, en pensant qu'il ferait bien dans son plumard.

Le galeriste affirme, un rien cabochard : ce jeune talent vaudra un jour des milliards. Il lui prédit un avenir d'une grande envergure; de l'Art Nouveau, il possède déjà la tessiture. Dépêchez vous d'acquérir avant la fermeture, pour un bon placement, c'est en dollars.

" Comment, vous préférez ce Fragonard, authentique? je vous vois goguenard. " L’expert est présent, il vous le jure, avec lui, jamais de demi-mesure, d’homme de foi, il n’est qu’une caricature, ressortant les artistes de leur corbillard.

L'Art est affaire de coeur et de regard, et si, avec moi, il s'autorise le grand écart, c'est qu'il a droit à toutes les démesures, son chemin est parsemé de folles aventures, qui jamais ne lui permet de conclure, condamnant l'artiste à une vie de bagnard.

Un jour, il déambule sur les boulevards, le lendemain, il défend les communards. Au nom du pouvoir, à la mairie, on l'inaugure, octroyant à l’artiste quelques nourritures, c'est la fête ! Fini de se serrer la ceinture. La Culture est sauvée par les politicards.

Pas pour longtemps, car sortant du placard, la commission culturelle lance un traquenard, triturant et malaxant ce projet immature, elle condamne l'auteur, à une proche sépulture, prétextant son jugement au nom de l'inculture, voici un mandat qui se terminera en faire-part.

Vêtu de noir, l’oeil défait et le teint blafard, l’artiste proteste et se lance dans la bagarre, il doit se prostituer sous toutes les coutures du cercle, il recherche l’impossible quadrature. Immaculé comme un cygne, le voilà noir canard, pensant à mourir, avant d’être mis au rancart,

il finira par noyer son désespoir au coin du bar, ne trouvant plus sa route dans ce brouillard, qui ne lui accorde aucune chance d’ouverture. On ne se remet pas aisément de ces blessures, faîtes facilement dans le dos, pour la plupart. Peu d’artistes finiront respectables vieillards!

De la prison où vous m’avez mis à l’écart, je rêve, éveillé d’un Art idéal, sans fard, sortant du néant de la financière pourriture, proclamant en hurlant, ma droiture, un rien agressif, légèrement revenchard, il signalera au monde, comme un phare,

que jamais par votre argent, vous réussirez à baîllonner et enfermer mon imagination. J’offre mon oeuvre aux futures générations donnant la preuve de ma crédible vérité, attestant fort et haut, ma passion de créer, vivante, elle existe, au même titre que l’Art!

N’essayez pas de détourner votre regard de mes dessins, qui vous rendent hagard, mes personnages sont la représentation théâtrale de notre fin de civilisation. Éternellement collés, c’est ma vengeance, sur les murs décrépis de votre indifférence.

Gens d’art, me verriez-vous au Quatar, mes tableaux vendus chers et bien cotés, bientôt enterré ou perdant la raison ? Ma volonté de vivre, libre de vos salons, motive la folle explosion de ma création, traçant une page rouge de l’histoire de l’Art.

Alain Rességuier - Versoix, juillet 2001