Attaquons le
problème au départ ! N’écoutons plus ces gens qui parlent
de l'Art ! La Culture, c'est vrai, quelle imposture, de
leurs lèvres ne sortent que des vomissures qui façonnent
les instruments de torture, emprisonnant l'artiste, dans
ce cauchemar.
De l'ignorance,
ils brandissent l'étendard, telle l’arrogance hissée sur
leur inculte rempart. Ils crient leurs références comme
une dictature, gonflant le torse, éclatant leur encolure.
« Dans ce cadre, il faut bien cette peinture ! Cette envolée
me rappelle Béjart, ou Mozart ?"
"C'est beau,
comme un plat d'épinards, mais s'accordera t-il à mon
billard ? " Un banquier demande où est la signature ?
" Quel dommage d'avoir cette grosse armature ? Pardon,
je n'avais pas vu, c'était la sculpture !" Rien ne doit
être laissé au hasard.
La vieille dame
adore le style "clochard", dit-elle au jeune peintre d
'un ton égrillard, car malgré son manteau de fourrure,
fait disparaître des petits fours dans sa doublure et
de l'autre main, lui caresse la chevelure, en pensant
qu'il ferait bien dans son plumard.
Le galeriste
affirme, un rien cabochard : ce jeune talent vaudra un
jour des milliards. Il lui prédit un avenir d'une grande
envergure; de l'Art Nouveau, il possède déjà la tessiture.
Dépêchez vous d'acquérir avant la fermeture, pour un bon
placement, c'est en dollars.
" Comment, vous
préférez ce Fragonard, authentique? je vous vois
goguenard. " L’expert est présent, il vous le jure, avec
lui, jamais de demi-mesure, d’homme de foi, il n’est qu’une
caricature, ressortant les artistes de leur corbillard.
L'Art est affaire
de coeur et de regard, et si, avec moi, il s'autorise
le grand écart, c'est qu'il a droit à toutes les démesures,
son chemin est parsemé de folles aventures, qui jamais
ne lui permet de conclure, condamnant l'artiste à une
vie de bagnard.
Un jour, il
déambule sur les boulevards, le lendemain, il défend les
communards. Au nom du pouvoir, à la mairie, on l'inaugure,
octroyant à l’artiste quelques nourritures, c'est la fête
! Fini de se serrer la ceinture. La Culture est sauvée
par les politicards.
Pas pour longtemps,
car sortant du placard, la commission culturelle lance
un traquenard, triturant et malaxant ce projet immature,
elle condamne l'auteur, à une proche sépulture, prétextant
son jugement au nom de l'inculture, voici un mandat qui
se terminera en faire-part.
Vêtu
de noir, l’oeil défait et le teint blafard, l’artiste
proteste et se lance dans la bagarre, il doit se prostituer
sous toutes les coutures du cercle, il recherche l’impossible
quadrature. Immaculé comme un cygne, le voilà noir canard,
pensant à mourir, avant d’être mis au rancart,
il finira par
noyer son désespoir au coin du bar, ne trouvant plus sa
route dans ce brouillard, qui ne lui accorde aucune chance
d’ouverture. On ne se remet pas aisément de ces blessures,
faîtes facilement dans le dos, pour la plupart. Peu d’artistes
finiront respectables vieillards!
De la prison
où vous m’avez mis à l’écart, je rêve, éveillé d’un Art
idéal, sans fard, sortant du néant de la financière pourriture,
proclamant en hurlant, ma droiture, un rien agressif,
légèrement revenchard, il signalera au monde, comme un
phare,
que jamais par
votre argent, vous réussirez à baîllonner et enfermer
mon imagination. J’offre mon oeuvre aux futures générations
donnant la preuve de ma crédible vérité, attestant fort
et haut, ma passion de créer, vivante, elle existe, au
même titre que l’Art!
N’essayez pas
de détourner votre regard de mes dessins, qui vous rendent
hagard, mes personnages sont la représentation théâtrale
de notre fin de civilisation. Éternellement collés,
c’est ma vengeance, sur les murs décrépis de votre indifférence.
Gens d’art,
me verriez-vous au Quatar, mes tableaux vendus chers et
bien cotés, bientôt enterré ou perdant la raison ? Ma
volonté de vivre, libre de vos salons, motive la folle
explosion de ma création, traçant une page rouge de l’histoire
de l’Art.
Alain Rességuier
- Versoix, juillet 2001
|